vendredi 30 juin 2006

De quel type de maladie s'agit-il ?
En Belgique, le spécialiste le plus connu consultant actuellement les patients SFC est le professeur docteur Kenny De Meirleir. Il travaille depuis 1995 avec une équipe de chercheurs américains. Deux années plus tard s'y sont encore ajoutées une équipe française puis australienne. Le Pr Englebienne, microbiologiste, a renforcé le groupe.
Le professeur docteur De Meirleir participe à la recherche internationnale, est mondialement connu grâce à sa présence active aux colloques et conférences internationnales. Il est donc bien au courant des découvertes concernant le SFC.
Nous lui laissons donc la parole.

« SFC est une forme d’immunodéficience acquise,une maladie auto-dys-immunitaire avec des conséquences métaboliques profondes ». En effet, selon les résultats de nombreuses recherches récentes, le SFC comporte des dysfonctions immunitaires qui engendrent des attaquescontre les cellules du corps (ce qui est le cas dans les maladies dites auto-immunes). Selon le modèle retenu par Dr De Meirleir et basé sur de nombreuses recherches, une fois le SFC déclenché, les anomalies se multiplient par des réactions en chaîne – une anomalie en entraîne une deuxième qui en entraîne une autre, et ainsi de suite, diverses réactions engendrant une aggravation progressive de certaines anomalies qui se trouvaient au début du processus de la maladie, ce qui vient boucler la boucle en détériorant la situation ! Après un certain temps, tous les systèmes du corps sont affectés, ce qui explique la fatigue tellement spéciale et anormale, et les nombreux symptômes apparemment disparates.
Il est à noter que Dr De Meirleir est loin d’être le seul à considérer le SFC comme une maladie multisystémique et métabolique. Par exemple, en 2003, après trois ans de travail et de nombreuses consultations, le Name Change Workgroup, un groupe de travail mandaté par le Département de santé et de services sociaux des États-Unis (U.S. Departement of Health and Human Services CFS Coordinating Comitte) recommandait de ne plus utiliser le nom « syndrome de fatigue chronique » et d’introduire l’appellation neuroendocrineimmune dysfunction syndrome, pour englober l’EM, le SFC (tel que défini par Fukuda),l’EM/SFC (telle que définie par le consensus canadien)ainsi que le syndrome de la guerre du Golfe.
Pour compléter le processus diagnostique, ces médecins font faire des tests complémentaires plus spécialisés et qui sont choisis selon ce qui se dégage de l’histoire de cas. Ces tests permettent de préciser la présence (ou non) ainsi que le niveau d’intensité de diverses anomalies courantes chez les personnes atteintes d’EM/SFC. Le Dr De Meirleir explique ces anomalies ainsi que les liens qu’elles entretiennent entre elles et comment elles peuvent expliquer les signes et symptômes de la maladie.

Voici une rapide évocation des principales anomalies qui peuvent être examinées à l’aide de tests spécialisés, pour consolider le diagnostic, cerner les problèmes les plus aigus et,donc, classer un cas dans un sous-groupe et orienter le traitement en conséquence.

- Suractivité d’enzymes-clés dans l’immunité cellulaire – les 2-5 OAS – ce qui entraîne des anomalies de deux autres enzymes : ribonucléase L (RNase L) et protéine kinase (PKR). Ces enzymes, présentes dans toutes les cellules, sont activées quand un virus entre dans la cellule.La suractivité des 2-5OAS entraîne aussi la suractivité deprotéines de formes semblables aux 2-5 OAS et qui viennent bloquer les récepteurs de l’hormone thyroïdienne T3,créant des symptômes d’hypothyroïdie – notamment une fatigue importante – bien que les taux sanguins d’hormones thyroïdiennes soient normaux.

- Taux anormal de PKR – généralement trop élevé dans les cas de SFC (alors qu’il est généralement trop bas dans les cas de sclérose en plaques). L’augmentation de PKR peut à son tour entraîner une augmentation de l’oxyde nitrique. Ces deux anomalies peuvent expliquer notamment des problèmes au niveau des muscles (ycompris le coeur), de la capacité de récupérer après effort,de la fonction des cellules NK (Natural Killer Cells), de l’équilibre entre les systèmes immunitaires Th1 et Th2, et du système endocrinien.

- Fragmentation de la ribonucléase L produisant des morceaux anormaux (un de 37 kiloDalton [kDa] et un de 30 kDa) qui causent tous deux des problèmes importants sur le plan immunitaire ou métabolique : moindre défense face aux infections opportunistes ; augmentation du taux de suicide cellulaire dans tous les organes (parce que laRNase L fragmentée est de 6 à 10 fois plus active que la normale et que, comme toute RNase L, en plus d’attaquer l’ARN des virus, elle s’attaque à l’ARN de toutes les cellules); dysfonctionnement des canaux ioniques (microcanaux qui assurent la régulation de tout ce qui entre et sort des cellules… sodium, potassium, etc.), ce dysfonctionnementpouvant causer de nombreux problèmes, notamment des problèmes neurologiques et cognitifs, de la fatigue, des dysfonctions du sommeil, de l’hypoglycémie, une réduction du seuil de la douleur, une réaction anormale à l’exercice, un intestin irritable, une hypersensibilité aux produits toxiques et des signes de dépression.
La dysfonction de la RNase L peut être mesurée de deux façons : par le taux de fragmentation et par le taux d’activité. La fragmentation de la RNase L est une des anomalies les plus typiques du SFC. Elle se trouve aussi dans la sclérose en plaque (quoique de façon moins marquée) mais on ne la trouve pas dans les cas dedépression primaire ni de fibromyalgie.

- Déficience des cellules NK (Natural Killer Cells) – en nombre et/ou en activité – et autres anomalies dans l’immunophénotypage.

- Taux élevé d’élastase, un indicateur de problèmes au niveau de la perméabilité intestinale. Par ailleurs, l’élastase ontribue à la fragmentation de la RNase L, ce qui perpétue un cercle vicieux.- Présence de bactéries intestinales contribuant au maintien d’une suractivité immunitaire.

- Présence d’infections opportunistes, notamment de mycoplasmes, chlamidiae pneumonie et de virus de la famille de l’herpès.

- Hypersensibilité aux métaux lourds, notamment par un effet secondaire de l’anomalie sur la RNase L.

Des informations complémentaires (en anglais) avec divers tableaux explicatifs se trouvent sur le site :

http://www.redlabsusa.com/cfs/



Ce texte est largement inspiré de l'article publié par l'AQEM (Association Québequoise de Encéphalomyélite Myalgique)– Le Ruban bleu Vol. 13 no 2-3 – Juin 2006